
Déroulez un générique et comptez : combien de femmes derrière ces noms, combien de visages familiers ignorés sous les projecteurs ? Les récompenses du petit écran affichent des palmarès où quelques hommes raflent la lumière, tandis que tant de co-créatrices, pourtant présentes dès les débuts, se retrouvent reléguées au bas de l’affiche.
Des contributions décisives, qu’il s’agisse d’écriture, de production ou de recherche appliquée à l’audiovisuel, n’apparaissent nulle part dans les manuels, ni même dans les bases de données destinées au grand public. Quand on suit le fil de ces trajectoires, on découvre des stratégies d’invisibilisation et des hiérarchies tenaces, qui résistent malgré l’empreinte indéniable laissée par ces femmes dans l’histoire du média.
Quand l’histoire du cinéma et des sciences oublie ses pionnières : un regard sur l’invisibilité des femmes
Rares sont les ouvrages qui accordent une juste place aux pionnières du cinéma et des sciences. Dès les premiers films, certaines femmes signent l’invention, osent la réalisation, portent leur regard derrière la caméra ; puis la lumière se retire, leurs noms s’estompent tandis que d’autres briguent l’affiche. L’histoire se répète dans les laboratoires ou dans les bureaux de la Nasa, où les femmes avancent sans jamais recevoir la pleine reconnaissance de leurs pairs ou du grand public.
L’écart se creuse entre le récit dominant et une réalité plus nuancée : la place des femmes dans l’histoire du cinéma et de la recherche reste largement sous-exposée. Les institutions françaises et européennes mettent un temps considérable à rendre justice à ces trajectoires exceptionnelles. Biographies et manuels survolent à peine leurs apports, citant en marge ce qui devrait peser lourd. Katherine Johnson, mathématicienne brillante à la Nasa, n’accède à la notoriété nationale qu’à travers le prisme du film « Les Figures de l’ombre », incarnée brillamment à l’écran, mais longtemps ignorée du grand public.
Ce procédé d’effacement porte un nom, un visage même : l’histoire de Marjorie Lynn Noe en est le symbole. Toujours associée à Michael Landon, elle incarne ces femmes qui, malgré une présence et un soutien sans faille, restent cantonnées au second plan. Ce phénomène, l’article dédié sur Le Off le met en lumière de façon particulièrement éclairante.
Plusieurs situations témoignent de ces oublis organisés :
- Première femme réalisatrice d’Europe, premières scientifiques à la Nasa, ou encore figures françaises disparues du récit public après la Seconde Guerre mondiale : autant de destins gommés.
- Les sociétés savantes, les comités de festivals ou les encyclopédies attendent, remettent à plus tard ou minimisent la portée et l’héritage de ces femmes.
Il aura fallu l’insistance des historiens, le courage de témoins et l’ouverture lente des archives pour que la part des femmes scientifiques et des professionnelles de l’audiovisuel commence à réapparaître. Ce mouvement avance, mais la résistance des institutions reste palpable.
Portraits et héritages méconnus : ces femmes qui ont façonné l’écran et la recherche
Plonger dans les parcours de ces femmes, c’est découvrir tout un univers de richesse et d’opiniâtreté. Qu’elles œuvrent dans un studio ou dans l’ombre d’un laboratoire, leur capacité à déjouer les codes inspire une admiration durable. Pourtant, leurs noms ne percent que trop rarement la surface des ouvrages officiels, et leurs innovations, bien réelles, demeurent en retrait.
Voici quelques exemples frappants de ce paradoxe :
- La première femme à avoir signé un film en France n’a droit qu’à quelques notes en bas de page, alors même qu’elle a ouvert la voie, bien en amont de la vague des studios américains installés dans la capitale.
- Pendant la Seconde Guerre mondiale, à Londres, des scientifiques œuvrent sans relâche, sans jamais être associées aux grandes victoires dont on retient surtout les chefs militaires. Leur contribution disparaît derrière les grandes figures politiques.
Les studios n’échappent pas à cette règle. Nombre d’actrices et de techniciennes ont repoussé les frontières de la création, participé à réinventer la narration et marqué de leur empreinte l’évolution des images et des récits. Les rôles incarnés aujourd’hui par Taraji P. Henson, Octavia Spencer ou Janelle Monae en sont la preuve vivante : il aura fallu attendre le regard du cinéma sur lui-même pour commencer à raconter la réalité des femmes scientifiques et créatives.
Il y a ici une force silencieuse, patiente, tenace. Actrices, chercheuses, techniciennes, elles sont des centaines à avoir transformé le visage de l’histoire du cinéma et des sciences, par leur travail, leur inventivité, leur persévérance. À chaque nom retrouvé, c’est une injustice qui se dissipe et, dans ce regain de lumière, la scène s’élargit. Reste à savoir qui, demain, poursuivra ce mouvement pour que d’autres récits, longtemps tenus à l’écart, prennent enfin leur place.