Influenceurs et vidéastes : ces collaborations qui étonnent

Un placement de produit intégré dans une vidéo sur trois, une rémunération pouvant dépasser plusieurs dizaines de milliers d’euros pour une seule collaboration, et des agences spécialisées qui orchestrent désormais la rencontre entre créateurs et marques. Les partenariats entre influenceurs et entreprises se transforment en marchés structurés, où négociation et stratégie l’emportent sur la spontanéité.

Certains créateurs refusent d’associer leur image à des campagnes pourtant très lucratives, tandis que d’autres multiplient les partenariats au risque de brouiller leur ligne éditoriale. Les frontières traditionnelles entre divertissement, information et publicité s’estompent, faisant émerger de nouveaux modèles économiques et de nouveaux rapports de force.

Pourquoi les collaborations entre influenceurs et marques redéfinissent le paysage de YouTube

Sur YouTube, tout a basculé. Les youtubeurs français n’ont plus rien de simples vidéastes amateurs : ils bâtissent de véritables écosystèmes où la moindre collaboration façonne le marché. Squeezie, Tibo InShape, Mcfly & Carlito : ces noms, qui réunissent à eux seuls des millions d’abonnés, font désormais la pluie et le beau temps sur la plateforme. Leurs chaînes YouTube se transforment en espaces d’exposition pour les marques et institutions, et ça se voit dans les chiffres : les placements de produits occupent aujourd’hui 14 % des vidéos publiées par les plus grands influenceurs. Impossible de parler d’un détail, c’est toute l’économie de la publicité qui se trouve bousculée par ces partenariats intégrés au contenu.

Les annonceurs y trouvent leur compte. Les vidéos sponsorisées enregistrent un taux d’engagement de 5,4 %, quand les vidéos classiques plafonnent à 4,7 %. Les marques ne s’y trompent pas : elles ciblent des communautés passionnées, prêtes à interagir, à relayer, à défendre. La campagne menée par Les Produits Laitiers auprès de Squeezie, Mister V ou Inoxtag en est un exemple parlant : humour, défis, codes taillés sur mesure pour séduire les plus jeunes, et une image modernisée à la clé.

Mais le placement de produit traditionnel n’est plus la seule carte à jouer. On voit émerger des formats inattendus : Amixem double les vidéos de MrBeast en français, Feastables s’invite chez FastGoodCuisine… Ici, la publicité se mêle à la créativité, brouillant la frontière entre divertissement et promotion. Une illustration frappante : Marie Chabroud et Amixem montent ensemble des projets hybrides, comme le montre l’article « Marie Chabroud et Amixem : un duo prodigieux – Revue de Liberée ». Résultat : de nouveaux formats naissent, la relation au public s’enrichit, l’audience ne décroche pas.

Pourtant, la transparence n’est pas systématique. Sur dix vidéos sponsorisées, seulement deux signalent officiellement la collaboration à l’aide de l’outil YouTube. Ce flou interroge, alors que les budgets explosent : Les Produits Laitiers sont passés de 300 000 euros en 2018 à 1,5 million en 2023 pour leurs campagnes d’influence. Cette montée en puissance redistribue les cartes. Les créateurs de contenu concurrencent de front les médias traditionnels pour capter l’attention et imposer leur vision du modèle économique : une lutte pour la légitimité, mais aussi pour l’indépendance.

Deux professionnels filmant un vlog en ville en fin de journée

Des alliances inattendues : quand créativité et stratégie transforment les partenariats des vidéastes

Les façons de collaborer entre vidéastes et marques ne cessent de surprendre. Impossible de réduire ce phénomène au simple placement de produit, tant les formes sont multiples. Prenons Amixem ou Mister V : loin de se contenter d’une apparition de logo, ils se lancent dans de nouveaux univers, inventent des concepts, imposent leur identité jusque dans l’entrepreneuriat. Ce mouvement est flagrant dans la restauration : Pepe Chicken et Starsmash, respectivement imaginés par FastGoodCuisine et Amixem, sont distribués par Taster, spécialiste des enseignes « dark kitchen » livrées à domicile.

Cette diversification des revenus se généralise chez les créateurs. Mister V, longtemps associé aux vidéos humoristiques, lance sa marque de pizzas Delamama. En trois mois, pas moins de 1,4 million d’euros de chiffre d’affaires, grâce à une distribution orchestrée par Freiberger et une communication amplifiée par Universal Music. Ce type de stratégie, mêlant créativité, business et influence, bouleverse l’ancien modèle publicitaire, trop rigide pour suivre la cadence.

Au fil de ces expériences, la distinction s’efface entre création de contenu et démarche commerciale. Les exemples ne manquent pas : Emma Sleep s’entoure de Cédric Doumbé et Alderiate, Fiverr mise sur Le Routin, Cyberghost VPN collabore avec Benzaie. Les marques s’immiscent dans la ligne éditoriale des vidéastes, mais sans les priver de leur liberté de ton. Le modèle des dark kitchens, s’il permet d’innover à moindre risque, nourrit aussi les critiques sur la sincérité des projets, leur transparence, leur authenticité.

À mesure que ces alliances se multiplient, le paysage se redessine sous nos yeux. L’époque où la publicité se cachait derrière une bannière ou un spot de trente secondes est bel et bien révolue. Les influenceurs, eux, avancent sur une corde raide : inventer, convaincre, mais garder intact ce lien fragile avec leur audience. Le pari est risqué, parfois déroutant, mais il façonne déjà les codes de demain.

Influenceurs et vidéastes : ces collaborations qui étonnent