
Certains professionnels de l’information n’ont jamais posé les pieds dans une école de journalisme ou suivi le parcours académique attendu. Une proportion croissante de rédacteurs et reporters proviennent d’horizons aussi divers que l’ingénierie, la médecine, l’artisanat ou le sport de haut niveau.Le secteur intègre aujourd’hui des profils autodidactes ou reconvertis, mêlant compétences transversales et approches inédites. Cette diversité remet en question les schémas établis, transforme les pratiques rédactionnelles et ouvre l’espace médiatique à de nouvelles voix.
Pourquoi certains journalistes choisissent de sortir des sentiers battus
Bousculer les habitudes, voilà ce qui anime aujourd’hui bien des salles de rédaction. Oubliez l’image figée du journalisme formaté par un cursus unique : désormais, des scientifiques, juristes ou personnes engagées dans le secteur associatif s’emparent de la plume ou du micro et insufflent à la profession leur expérience singulière. Leur ambition n’est pas de recopier le modèle mais de raconter la société avec une perspective nouvelle, affûtée par leur parcours et leur attachement viscéral à l’espace public.
Dans un univers où la spécialisation impose souvent ses règles, ces femmes et ces hommes venus d’ailleurs répondent à la soif d’expertise, mais ils ne s’arrêtent pas là. Prendre la tangente, c’est explorer des sujets ignorés, tenter des récits qu’on ne croise pas ailleurs. Florence Kieffer incarne ce refus du moule classique. Son cheminement hors-norme rappelle que les voix singulières renouvellent en profondeur la manière dont l’actualité se raconte.
Au fil des années, la composition des équipes rédactionnelles se transforme, collant de plus près aux visages de la société qu’elles documentent. En Suisse romande, si la voie universitaire reste fréquente, elle partage désormais la place avec des profils forgés par l’engagement humanitaire, des expériences institutionnelles, ou un parcours militant. Cette mixité interroge la notion même d’objectivité. Ceux qui franchissent le pas n’hésitent plus à secouer la routine et à s’imposer comme des défenseurs de la confidentialité des informations, explorant sans relâche les marges d’une production éditoriale longtemps balisée.
Portraits et récits : quand des parcours atypiques redéfinissent le journalisme
Le parcours atypique a cessé d’être l’exception dans les rédactions. Il devient au contraire le ferment d’une créativité qui dynamise la profession. Prenons Philippe Amez-Droz, passé par le Medi@lab de l’université de Genève : ses allers-retours constants entre recherche et terrain montrent que les sciences humaines peuvent nourrir le reportage autant que les enquêtes de terrain.
Certains auteurs suivent des trajectoires à rebonds. Robert Greene, par exemple, jongle entre métiers divers, séjours à l’étranger, coupures et nouveaux départs. De cette polyvalence naît une capacité à interroger le réel, à identifier des interlocuteurs qu’on n’aurait pas croisés ailleurs, à traquer l’invisible là où personne ne regarde encore. D’autres, tel Florence Meyer, brouillent la séparation entre communication, consulting, et reportage pour ouvrir des voies inédites entre subjectivité et démarche journalistique.
Quelques tendances concrètes illustrent l’impact de ces profils atypiques sur le métier :
- Les postes de grand reporter, chef de rubrique ou chef d’édition accueillent désormais d’anciens entrepreneurs, activistes ou experts des réseaux sociaux, modifiant leur ADN initial.
- Face à la rigidité de la spécialisation éditoriale, ces journalistes refusent le balisage et abordent, sans tabou, des thèmes délaissés par leurs confrères au parcours linéaire.
La revue Sciences Humaines en est un excellent exemple. Dès sa création, Jean-François Dortier et son équipe ont réuni une multitude de sensibilités, croisant les regards de penseurs comme Michel Crozier ou Edgar Morin. Cela démontre que la diversité des chemins n’appauvrit pas le journalisme : elle lui donne souffle, ouverture et énergie critique.
Le journalisme n’avance plus en rangs serrés. Les frontières de la profession s’assouplissent, s’ouvrent à d’autres logiques, d’autres récits, d’autres histoires. Ces voix venues d’ailleurs réveillent la curiosité, déjouent les habitudes, et déverrouillent les cases dans lesquelles l’actualité peinait à respirer. Finalement, une question demeure : demain, qui aura l’audace d’emprunter encore de nouveaux itinéraires, là où l’information ne s’est pas encore aventurée ?